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En 1865, une loi connue sous le nom de loi Migneret, autorisait la création de lignes de chemins de fer d’intérêt local, sans concurrencer les lignes des grandes compagnies. Cette loi, améliorée en 1880, offrait des dispositions avantageuses pour les concessionnaires. Le département de l’Ain profita de ces directives pour promouvoir la création de plusieurs lignes.

Ces nouvelles lignes de voies ferrées étaient classées en deux catégories : les voies ferrées d’intérêt local et les tramways. Le classement des lignes dans l’une ou l’autre des catégories correspondait dans le mode d’implantation de la voie. Si elle était implantée sur la majorité de son parcours sur une plateforme qui lui est propre, c’était un chemin de fer d’intérêt local, par contre si la voie empruntait le domaine public, route ou chemin, c’était un tramway.

La commune vote 500 francs en 1891

En 1891, M. Jeancard se porte candidat pour la construction d’une ligne de ce type et il obtient la concession de la ligne reliant Jassans à Bourg pour le compte de la Compagnie des Chemins de Fer Economiques du Sud-est. Le 12 mai 1891, sur la demande du Préfet, la commune est invitée à voter « d’urgence » la somme de 500 F pour participer à la construction du tramway à vapeur. Le conseil, « après avoir délibéré, vote le contingent dont il s’agit de prélever sur les fonds libres de l’exercice courant ». 

Le 24 juillet 1892, en séance extraordinaire, « le maire soumet au conseil les pièces de l’enquête ouverte sur l’avant-projet de construction d’une ligne de tramways à vapeur sur la route de Bourg à Frans. Le conseil, après avoir délibéré sur cet avant-projet, qui n’a donné lieu à aucune observation, est d’avis de son adoption ». En 1894, les travaux sont déclarés d’utilité publique et le projet définitif est approuvé en 1895.

locomotive tacotLe 11 novembre 1894, le conseil municipal marque son côté écologique et pas moins poétique. Aussi pour vous faire goûter au bon sens de nos aïeux, je vous transcris « in extenso » la délibération du conseil municipal :

M. le maire expose au conseil que d’après des études préliminaires récemment exécutées pour l’établissement du tramway à vapeur, de Bourg au Pont de Frans, la ligne ferrée serait construite après l’abattage des arbres, sur l’accotement sud du chemin de grande communication n° 29, et que par suite, la route serait à découvert et complètement privée d’ombre pendant la saison d’été.
Le conseil, de l’avis unanime des habitants proteste contre ce projet qui ôte au chemin tout son agrément, pour laisser subsister sur l’accotement nord, une rangée d’arbres disgracieuse et nuisible aux propriétés riveraines qu’elle ombrage.

Comme cette route est notoirement la plus fréquentée par les promeneurs de la ville et des villages voisins, dans le parcours de Bourg à Corgenon, l’assemblée estime qu’il serait possible de conserver, sur ce parcours tout au moins, les deux rangées d’arbres qui couvrent la route n° 29.

Il suffirait pour cela d’élargir l’accotement sud qui doit recevoir la voie, et de réduire d’autant la largeur de l’accotement opposé, pour conserver à la chaussée sa largeur réglementaire. Le public ne comprend pas qu’on dégarnisse ainsi, aux portes de Bourg, la plus agréable et seule promenade qui donne accès aux charmants coteaux de Saint-Denis, Saint-Rémy et Corgenon.

Le conseil municipal se fait donc l’interprète de toute la population en demandant la conservation de tous les arbres existants, de Bourg à Corgenon, si l’administration le juge possible, et dans le cas contraire, il insiste pour que la rangée nord seule soit sacrifiée et que la voie ferrée soit posée sur cette partie au lieu d’être établie sur l’accotement sud. La déviation de cette voie et son passage à travers la chaussée du chemin ne sont pas des obstacles sérieux, insurmontables, puisque dans des rues mêmes de grandes villes, des trams à vapeur circulent journellement en tous sens et sans le moindre inconvénient.

Horaire2Nous n’avons pas trouvé dans les archives de la mairie de réponse mais il est certain que la voie a été placée sur l’accotement sud.

Le 7 juillet 1895, le conseil municipal est appelé à se prononcer sur l’emplacement de la halte prévue pour Saint-Denis. Le conseil, après avoir pris connaissance de la proposition figurant dans l’arrêté préfectoral du 27 juin 1895 suite à l’enquête ouverte à la mairie, admet cet emplacement situé « à la rencontre du chemin vicinal n° 1 (chemin des Flèches) avec le chemin de grande communication n° 29 » (route de Trévoux) mais demande « qu’un abri suffisant soit aménagé aux abords de l’arrêt pour recevoir les voyageurs et garantir leurs bagages contre les intempéries ».

Début des travaux en 1897

Cette ligne, implantée en majorité sur les routes existantes est donc un tramway. Les travaux débutent en 1897 et sont réalisés par indicateur tacot 0l’entreprise Bougain en deux tronçons, l’un de Jassans à Châtillon-sur-Chalaronne et l’autre de Châtillon à Bourg. La mise en service a eu lieu le 10 février 1898. Le tronçon qui passe sur la commune de Saint-Denis comporte une halte sans construction. Il y eut un embranchement pour desservir le dépôt des Ponts et Chaussées où se trouvent maintenant les immeubles de « Tremplin ».


Le 17 novembre 1901, le conseil suite à une pétition « par laquelle les habitants de la commune situés sur la route de Saint-Denis à Bourg, à proximité des restaurants Juilleron et Perret, demandent un arrêt facultatif en face du débit de tabac ». Cette demande, bien que renouvelée en janvier 1902, n’eut pas de suite semble-t-il.

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Cette ligne fut parcourue par des locomotives de la marque « Corpet-Louvet » du type 030 qui emmenaient des trains composés de cinq ou six wagons dont deux de voyageurs. En 1932, des autorails « De-Dion-Bouton » prirent le relais des locomotives à vapeur jusqu’en 1937 pour être remplacés par des cars.

Les rails furent enlevés dans les mois qui suivirent l’arrêt des autorails.


TravauxTacotVeyle


Il en restait quelques mètres sur le pont de la Veyle (merci aux équipes municipales de nous les avoir dégagés) mais des travaux en eurent raison en août 2016. Ces témoins du passé, vieux de 118 ans, ont aujourd'hui disparu.




Article de François Chaume. Sources : l’ouvrage d’Henri Domengie sur les Tramways de l’Ain et les archives de la mairie de Saint-Denis.