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Dans les années 30, s’il est un quartier modeste, néanmoins très actif, c’est bien celui de l’avenue de Trévoux dans le secteur de la rue de la Charpine. En effet, au 495 étaient installés successivement M. Vulin forgeron puis M. Allombert-Blanc ferronnier dans un petit atelier devenu le garage d’un logement. 

Plus loin venaient les établissements Calame qui iront s’installer à la limite de Bourg cédant le garage à M. Andard réparateur mécanicien d'automobiles toutes marques comme son successeur Marcel Henry qui quittera les lieux pour un nouvel atelier aux Planes. Alors cet espace trouve une nouvelle destination avec Avenir-Pêche. Un jeu de boules situé à l’arrière de ce bâtiment animait les après-midi et soirées. A deux pas, M. et Mme Mazier servaient cafés, petits blancs et quelques repas ouvriers dans ce bistrot devenu Le Grillon.  

Une petite épicerie-bar bien utile sur le quartier était tenue par Mmes Curt mère et fille : les anciens du quartier y jouaient également à la belote dans une fumée épaisse de cigarettes. Devenue boulangerie puis pressing, nos amis chiens et chats y trouvent désormais un salon de toilettage. Plus tard vers 1960, Mme Curt ouvrait le café-restaurant La Boule Joyeuse, siège de l’association du même nom et les boulistes chevronnés s’adonnaient à leur passion sur le terrain attenant. N’oublions pas que la voie du « tram » longeait la route au pied de ces commerces et maisons. 

En face de cette avenue se succédaient diverses activités : M. Mayer maquignon dont les terrains ont été cédés à Stoc, puis les établissements Villon marchands de vin, Mme Lambert maraîchère, plus loin les établissements Gothland spécialisés dans la vente de bonbons sur les marchés régionaux et la Pharmacie du Printemps construite vers 1975 par M. Jacoute.

Les créations florales Petitjean

Arrêtons-nous au 426 de l’avenue de Trévoux derrière un garage adossé à une maison bourgeoise où se cache une série de bâtiments construits successivement pour suivre l’évolution de l’activité d’une entreprise discrète, qu’on remarque à peine. Il s’agit de l’entreprise Petitjean précurseur et spécialisée dans la création de fleurs et de nombreux objets en plastique.

Venant de son Jura natal, après un passage rue Lazare Carnot à Bourg, c’est en 1932 que Louis Petitjean et son épouse s’installent à Saint-Denis au lieudit « les Vavres ». Une fosse de travail existe encore de nos jours dans cet ancien garage de réparations et de distribution d’essence à la pompe à bras au bord de la « route ». Louis aménage alors le site et ouvre son atelier de celluloïd. Il fabrique, des lunettes, des peignes et des aiguilles à tricoter comme les établissement Gentil à Bourg-en-Bresse, ville voisine.

Toujours en quête d’une nouvelle idée, ses productions sont de plus en plus nombreuses : peignes, montures de lunettes, broches ou bijoux en camée (Le camée est une technique de gravure en bas-relief appliquée sur un coquillage ou une pierre fine, afin que les personnages représentés se détachent de l'arrière-plan plus clair ou plus foncé. Son nom provient de l'italien « cameo », probablement relié au terme « camaïeu »), boîtes à chapelet ou à bijoux, poudriers, visières à filet... 

Le plastique remplace le celluloïd

Le celluloïd perd alors de l’intérêt, Louis Petitjean expérimente une nouvelle matière : le plastique. A partir des maquettes en cuivre rouge qu’il façonne, il forme un moule en plâtre ou terre dans lequel il coulera le plastique qui deviendra une fleur, une statue, une broche… C'est une méthode d’avant-garde qu’il emploie dans l’usinage et l’utilisation des moules. Ainsi naissent les premières fleurs en plastique : roses et œillets puis tulipes, jasmins et bien d’autres composent une belle collection sous la marque Polyflore.

Le petit plus qui fera le bonheur des dames, ce sont les quelques gouttes d’un parfum qu’il va chercher directement à Grasse et qu’il ajoute dans la corolle de ses productions. Louis décède en 1958, et tout naturellement son fils Robert lui succède pour une période consacrée aux articles funéraires : plaques de souvenirs, couronnes de fleurs, capitons, poignées et vis de cercueil.

Avant le monopole des entreprises de pompes funèbres, les cercueils étaient préparés par les menuisiers et ébénistes locaux. Les représentants de commerce s’approvisionnaient en accessoires chez Petitjean et en faisaient la promotion auprès des artisans, transportant avec eux leur valise de présentation de ces ornements. Le montage de nombreuses couronnes mortuaires occupait une main-d’œuvre conséquente dans la période précédant la Toussaint.

Avec l’introduction des presses « Cretin », des hommes s’activent sur ces nouvelles machines qui obligeaient à être suffisamment costauds pour parvenir à un emboutissage de qualité. Les machines à pression hydraulique n’étaient pas encore entrées à l’usine. Ces presses seront complétées par les « Rep » « Foucher » ou des « Billon ».

Pour passer du plastique à l’imitation du fer forgé, il se rapproche de Pierre Carron artiste-peintre à Bourg. Celui-ci dessine des figurines telle que la Vierge et l’Enfant ou un paysage, que Robert utilise pour créer son moule prototype grâce au pantographe. Il met aussi en chantier des projets comme « Tintin et Milou », « E.T. l’extraterrestre » ... qui malheureusement n’aboutissent pas. En effet, les éditeurs de ces « stars » n’ont jamais donné leur accord.

La maquette du bonhomme Butagaz

Par contre le porte-clés du bonhomme Butagaz bien connu chez tous les fournisseurs de bouteilles de gaz, créé à partir de la maquette Petitjean et fabriqué chez Convert à Saint-Etienne-du-Bois, fut un réel succès. A l’époque de Thierry La Fronde, les fromages bleus de Grièges étaient cerclés d’une ceinture à l’effigie de la star.

L’Allemagne a été un client important de nombreuses collections livrées par wagons entiers. Les feux arrières de véhicules militaires Blackout ont fait l’objet d’une fabrication spéciale.

Devant la diversité des fabrications toujours peu industrialisées, beaucoup de travail manuel puisque peu mécanisé et pas du tout informatisé, Robert emploie une trentaine de salariés à temps complet ou partiel : les hommes sur les machines, les femmes au montage des pièces. Il fait appel également au travail à domicile, à des sous-traitants qui ont leur réseau de montage ainsi qu’aux établissements spécialisés ou ateliers occupationnels tels que l’Adapei au Prélion, les sœurs d’Aromas ou La Providence. En période hivernale ou de forte demande, les fermiers bressans ou revermontois réservent un espace dans la maison où ils effectuent le montage des fleurs livrées par M. Petitjean. Ils s’assurent ainsi un complément de revenu.

En 1972, l’entreprise Floralux de Montbard (21) crée « Petitjean-Les Jardins de Paris ». Les locaux, avenue de Trévoux, devenant trop étroits, la société loue ceux du « Bazar de la Gare » à Bourg. Pendant cette période, les fabrications s’orientent vers des fleurs et des plantes de décorations dont les maquettes étaient créées et réalisées par Alain le fils de Robert avec le concours de Noëlle Gayraud fleuriste à Bourg. L’activité se poursuit quelques années après un nouveau transfert rue des Ormeaux, puis quitte définitivement la Bresse en 1985.

La famille Petitjean consacrait tout son temps au travail et à la vie de l’entreprise. Cependant, une passion tenait Robert : les vieux vélos et vieilles motos. Il n’était pas rare de le voir se déplacer un jour dans un side-car Nimbus 1930, un autre jour sur une moto Godwing Honda. Il participait parfois à tel rassemblement ou telle concentration de motos.

Une passion qui n’a jamais quitté Robert.

Article rédigé par Albert Dubois et Alain Petitjean