Je m’appelle Renée Tyrand veuve de Marius Drésin, j’habite toujours dans le quartier des Cadalles où je suis née le 31 mai 1924. J’ai dû quitter ma maison natale qui était une ferme bien trop grande et pas facile à entretenir pour moi, arrivant à l’âge de 80 ans, seule avec un fils handicapé ; une clôture sépare mon habitation actuelle de mes anciens souvenirs.
Pas toujours facile la vie dans la ferme, il fallait toujours penser à se lever tôt. Le ramassage du lait par la laiterie centrale de Bourg passait sur le chemin tôt le matin, puis c'était préparer le petit déjeuner pour envoyer les enfants à l’école. L’installation d’une machine à laver a été appréciée en 1955 dès que l’adduction de l’eau a été faite.
Avant c’était au puits équipé d'une pompe que l’on prenait l’eau. On se déplaçait à vélo pour aller faire les courses au Mail à Bourg. Ce n'était que le pain qu’on allait chercher à la boulangerie du village chez M. Marchand (avant M. et Mme Louvet) à Saint-Denis.
Mes arrière-grands-parents vivaient dans cette ferme ; au fur et à mesure, les enfants se sont succédé et y ont fait pas mal d’aménagements.
Je suis allée à l’école dès l'âge de 5 ans, par tous les temps à pied avec des sabots couverts. Lorsqu'on avait les pieds trop mouillés, la maîtresse nous les faisait sécher près du poêle au milieu de la classe. Le soir, nous faisions à tour de rôle le remplissage du seau de houille et nettoyions les tableaux.
Apprendre à compter avec des bûchettes
Il y avait deux classes de filles et deux de garçons qui étaient éloignées car, d’un côté c’était près de la mairie et des appartements de l’instituteur, et de l’autre côté la directrice des filles, Mme Burnand, et son appartement. Mme Tournier m’a appris à compter avec des bûchettes et à lire. Comme on était un petit groupe de bavardes, on allait souvent derrière le tableau à tour de rôle, une plus tenace était assise au pied du bureau.
J’ai profité aussi de la cantine. Les premières années, c’était dans la ferme Robin où une bonne soupe épaisse attendait, préparée par Adèle et Marie Nallet. Nous étions assis sur des bancs, c’était marrant, il y avait quelques amuseurs aussi.
Le matin, des personnes allaient vendre du lait avec leurs bidons pendus sur leur jardinière et quelques œufs à leur clientèle.
Le mercredi, on voyait les personnes se rendre au marché de Bourg, sur les jardinières étaient rangées des cages de poulets, de lapins et des paniers d’œufs, les chemins avaient souvent des trous. Le cantonnier, le père Notton auquel a succédé Alphonse Morel, avec sa pelle et sa brouette apportait du gravier extrait de la gravière au bout du chemin.
Certaines personnes avaient imaginé des animations avec des moyens simples à la Grange‑Maman. C’est dans la remise de M. Nallet que ce théâtre a eu lieu. On allait décorer avec des fleurs en papier ; sur la scène, on défilait et chantait ou récitait, à partir de l'âge de dix ans. Je me souviens, il y avait pas mal de monde ; le spectacle était accompagné par un harmonium.
Quelques années après, avec Mlle Bienaimé, Marthe Tournier et Mme Mercier, c’était plus moderne car l’abbé Meunier avait la salle de catéchisme (La Fabrique aujourd’hui), c’était mieux.
La réserve de lard au saloir
Pour aller au ravitaillement, on avait le boucher qui passait dans le quartier deux fois par semaine et le Casino avec son camion. C’était suffisant, car il y avait le lard du saloir et le saucisson qui étaient de service journellement. Un cochon était élevé habituellement dans toutes les fermes.
On pouvait voir sur notre parcours des roulottes de bohémiens en train de confectionner des paniers en osier. Les femmes faisaient de la vente de dentelles et d’épingles.
Dans le village, on se connaissait tous. Dès qu’on avait deux sous, on n'oubliait pas d’aller chercher des bâtons de réglisse de bois ou un rouleau de réglisse noire. C’était un régal. Il y avait les bonbons chez M. Dubois qui nous attiraient beaucoup aussi.
Le dimanche après la messe, il fallait attendre la sortie autour de l’église et au cas où il y avait un baptême, on était bien prêt pour courir après les dragées cachées dans l’herbe. Puis parfois, j’allais avec ma maman chez M. Laurent, le sabotier chercher des sabots ; ça sentait bon le bois dans cette petite pièce donnant sur la place en face de la maison Rochat.
M. et Mme Chamonat étaient voisins de la boulangerie. Ces personnes très accueillantes faisaient des couvertures et surtout des tabliers ou des blouses avec du tissu sorti de chez M. Dubois. Au bout de l’immeuble côté sud, M. Brunet était coiffeur après ses heures de travail à l’usine Radior en fin de semaine ; un ouvrier faisait quelques réparations aux cycles ; en descendant le chemin bordé de maisons certaines occupées par des familles nombreuses comme la famille Balmain, on arrivait près du lavoir où l’eau coulait lentement laissant pas mal de personnes à l’aise avec leur planche à laver, faire la lessive qu’elles apportaient sur de petites brouettes. Il n’y avait pas de circulation sur la route, on apercevait la forge de M. Janaudy et les cercles des roues prêtes. Une micheline circulait depuis Corgenon, on l’entendait se rendant au Mail tout tranquillement.