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Marthe Robin (1903-2006) avait 23 ans, en 1926, lorsqu’elle a quitté Condeissiat pour la ferme que ses beaux-parents avaient achetée au centre du village, entre l’église et la mairie. Tout n’était que des champs alentours, jusqu’au chemin de Montholon, avec seulement quelques chemins de terre. Un paradis pour les enfants et leurs camarades, tant les Robin savaient accueillir « la marmaille »,… pour mieux surveiller leur progéniture. Marthe savait s’acquitter de cette tâche de mère de famille nombreuse.

HAB 14 MatheRobin01L’été, elle était debout à quatre heures pour soigner les truies. Puis tout le monde déjeunait autour de la grande table, après la toilette que l’on faisait dehors ou dans l’étable (la première salle de bain date de 1950) et avant de mener le lait au village à sept heures.

Les femmes et quelques hommes croisaient alors le marguillier, M. Genton, et se retrouvaient autour de la fontaine, à attendre le ramassage du lait pour la coopérative.

Entre le ménage et la lessive, Marthe trouvait « son moment de liberté » : le jardin où elle cultivait les légumes pour la famille et soignait les fleurs. Elle ne sortait pas beaucoup et se comportait avec tant de discrétion que le curé lui-même se moquait de ne pas voir « Madame Robin cancaner sur la place ».

RELIG 13 Cure07 CurMeunier

Cinq commerces dans l'ambiance du village

Elle se souvient très bien de cette ambiance du village et de ses commerces : deux épiceries, une boulangerie et deux cafés, dont l’un était tenu par un « colosse » qui mettait dehors les gens ivres. Elle se remémore en souriant les " fêtes de la terre " avec les chars fleuris, les représentations des filles et des garçons de la Jeunesse Agricole Chrétienne (JAC), les vignes plantées par le curé Meunier puis arrachées après la guerre, la première automobile de la famille en 1927… puis la guerre et les soldats du 11e Zouave et du 5e RTM installés dans la ferme, et que tous les gamins du village venaient voir… et les troupes allemandes qui occupèrent la maison sur le chemin de la débâcle.

Au centre du village, la ferme Robin et les habitations de la grande famille symbolisaient bien la riche activité agricole de la commune, en même temps qu’elles étaient le lieu d’observation de toutes les mutations du village : le goudronnage des rues en 1936 et la construction de l’école de garçon en 1937 ; la construction de la fromagerie en 1945… avec ses deux cents sociétaires et dont Marcel Robin, son mari fût le président ; le tramway de Villefranche et le train de marchandises, le départ pour le marché du mercredi et son chapelet de voitures à cheval, déjà les premiers bouchons sur la route de Trévoux.

« On faisait le marché raconte Marthe amusée… Il fallait franchir le passage à niveau du Mail et l’octroi où l’on payait les taxes sur nos marchandises. On se retrouvait ensuite sur le champ de foire et place Bernard à Bourg, on vendait des porcelets, des poulets, des lapins, des œufs. Puis on se retrouvait à la pâtisserie avant de rentrer. Parmi les souvenirs douloureux figure l’incendie de la ferme en 1940… le 17 août à 17 heures, à la fin des regains. Le toit avait brûlé, mais aussi la récolte de foin. « Toute la famille s’est retrouvée dans le vieux bâtiment » ce que l’on appelle aujourd'hui la « Ferme du Pôle » expliquait Marthe qui se plaisait à souligner la solidarité des voisins et les voyages à Cuisiat pour aller chercher du fourrage pour les bâtes…

Ce temps est loin et Marthe Robin aujourd'hui décédée était bien consciente d’avoir traversé le XXe siècle et d’avoir assisté à la transformation de son village d’adoption et de cœur.

Source Bulletin municipal