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S'il est une tradition qui a été respectée, et qui a perduré pendant de nombreuses décennies, c'est la tournée des conscrits qui se faisait la semaine précédant le non moins célèbre banquet des classes à Saint-Denis.

Nous nous arrangions entre conscrits pour garder quelques jours de congés, afin de parcourir à pied ou à vélo les chemins de la commune. Une bande de joyeux lurons, habillés parfois de façon bizarre et bardés de rubans tricolores, se lançait dès le matin dans les quartiers de la commune, pour visiter le plus grand nombre de maisons. Nous étions partout bien accueillis avec différents breuvages alcoolisés que nous mélangions allègrement, et les suites de ces ingestions devenaient de plus en plus difficiles à supporter quand arrivait la fin de la journée. De plus, chaque soir nous étions invités à partager le repas dans les familles des conscrits, et là rebelote, il fallait encore manger et boire.

Une escapade campagnarde

Ce fut parfois très difficile de tout garder, il y avait un peu de pollution dans les buissons. Cette escapade campagnarde nous permettait entre autre de récupérer un peu d'argent qui alimentait la caisse de notre classe, et aussi des œufs qui étaient utilisés pour confectionner les matefaims, le lendemain du banquet.

Côté logement, c'était un peu fantaisiste ; certains rentraient chez eux, d'autres dormaient chez le dernier conscrit ou quelquefois dans la grange à foin où il ne faisait pas chaud. Le lendemain matin, certains avaient les paupières un peu lourdes, mais nous étions jeunes et nous récupérions rapidement.

De l'eau-de-vie de vipère

Un après-midi de notre tournée, nous avons été reçus chez des gens dont le mari nous a proposé une eau-de-vie de vipère. La charmante bestiole avait été introduite vivante dans la bouteille et c'était la première ouverture de la bouteille après macération. Bien entendu, fanfarons que nous étions, nous avons répondu à l'offre. C'est effroyable le goût que cela peut avoir, et pendant deux jours nous avons roté cette horrible odeur de serpent. C'est un petit aperçu des défis que l'on peut faire à vingt ans.

A la fin de la semaine, nous rentrions un peu plus de bonne heure à la maison, pour récupérer, avoir bonne mine le jour du banquet des classes et pour faire danser nos conscrites le soir au bal monté au centre du village.

Le lendemain, dans la salle de la mairie, sur quelques gazinières, nos mamans étaient venues nous aider à faire les matefaims avec les produits récupérés au cours de la semaine. Un peu avant la sortie de l'école, nous allions porter aux enfants une grosse pile de matefaims qui faisait la joie des bambins.

Voilà un petit aperçu de la tradition que les conscrits faisaient avec plaisir, avant de partir peu de temps après pour les obligations militaires, qui pour notre compte à tous, ont duré vingt-huit mois. Ce fut long, très long.<

 

Article de Michel Venet