bandeau header

Ooscure05

Il ne s’agit pas du titre d’un roman policier mais bien d’une histoire qui garde encore des traces de nos jours dans le mur d’enceinte de l’église. Le promeneur peut, en observant attentivement, trouver des os enchâssés sur sa façade sud. Ce grand jardin ombragé était déjà au XIXe siècle le jardin du curé, où poussait une vigne à l’aide d’une treille.



Les piquets plantés dans le mur et des fils de fers tendus entre permettaient à la vigne de s’étendre en toute quiétude. Oui mais voilà, quoi de plus pratique que de se servir d’os en guise de piquets. Ils sont résistants, ne se dilatent pas sous l’effet des variations de température et ne rouillent pas.





Ooscure01Cent ans plus tard, près de quatre-vingt-dix os sont toujours apparents dans le mur... pour quelques années encore car le temps fait son œuvre. Un doute subsiste quant à leur origine : sont-ils d’origine humaine ou bien animale ?

Un matériau économique

Lors d'une conférence sur l'abbé Gorini organisée par la société du même nom, l'intervenant a évoqué cette " anecdote ". Selon lui, ce serait l'abbé lui-même qui aurait inséré ces os d'origine humaine et provenant du cimetière, essentiellement pour des raisons économiques. Des piquets en fer étaient chers pour la bourse du curé.

L'intervenant a précisé que cette pratique n'avait rien de sacrilège puisque les os étaient désacralisés. Cette pratique n'est d’ailleurs pas unique. Ainsi, dans le Revermont, des os dans le mur d'une église d’Aromas (Jura), ont été utilisés comme matériau. D’autres exemples ont été mis à jour comme à Azay-le-Brulé (Deux Sèvres).

Ooscure02Le repos dans ces caveaux communs n'était nullement le « quies aeterna » qui, selon les juristes, devait très théoriquement caractériser la sépulture. Dès lors qu'ils étaient combles, les restes des générations précédentes devaient comme dans les fosses communes des cimetières, céder la place à ceux des générations suivantes : la réexhumation des restes et leur « réduction » dans des ossuaires achèvent de se généraliser dans l'Occident catholique des temps modernes au point de devenir au début du XIXe siècle, l'un des fondements de la législation des cimetières.

Des os de bovidés

Mais ces propos sont contredits par la science. Soumis à l’analyse d’un expert en 2016 (M Jean-Jacques Millet - PHd Anthropologue et passeur à Aoste) ce dernier a précisé :

« Bien que l'expertise se produise par photos interposées et sans avoir vu de visu les os dont il est question, il me semble possible de vous proposer une réponse. On ne peut être sûr à 100 %, dans ce contexte précis, les os étant bien altérés.

Ooscure03Toutefois, les os présentés sur les photos sont de deux types. Ils appartiennent tous à un même type d'éléments anatomiques. Ce sont des rnétapodes (tarses ou carpes) de bovidés dans un premier temps, du genre Bos taurus soit la vache pour les plus gros (section ovale avec un côté plan et une gouttière sur la partie opposée ou antérieure) ou alors des équidés Equus asinus âne ou peut-être cheval Equus cabalus (section ovale également, avec une base plus ou moins plane et seulement arrondie sur la partie supérieure sans interruption de gouttière).

Je peux faire une erreur sur le nom d'espèce. De petits bovidés pourraient également faire l'affaire, mais la taille semble importante pour ce genre d'utilisation. Dans tous les cas, il ne s'agit pas de restes humains. Les métapodes (qui correspond au métacarpe ou au métatarse) sont souvent utilisés pour leur robustesse. II existe de nombreux outils fabriqués à partir de ces ossements en préhistoire, les lissoirs notamment ».

Article de Jean-Philippe Bertrand - Sources : Gérard Colignon, et l’aimable participation du docteur Clément Réty, du docteur Marie-Françoise Masson-Seyer, de monsieur Louvet, et de monsieur Jean-Jacques Millet. Pour en savoir plus en anthropologie, sur les lissoirs de la préhistoire et les pierres saillantes.